On dit souvent que les mauvais garçons ne sont pas fréquentables. Je vais vous démontrer le contraire.

Aber est comme qui dirait un bon garçon. Le genre à qui on tapote gentiment le haut du crâne lors des barbecue du dimanche chez l'once Parson et sa famille typique de l'Angleterre catho-chic de banlieue. Mais en fait c'est pas du tout ça.
Le gamin, il est né dans une famille basique, avec un papa basique et une maman basique, dans une maison basique, et tout le fatra basique qui va avec. Pourtant, Dieu du ciel! il n'est pas basique, lui. Il ne l'a même jamais été. On pouvait le voir à 8 ans déjà en tyrannique divinité de la mort lorsqu'il s'amusait à rayer de la carte le plus de bestioles possible. On en a compté, des hamsters qui ne duraient pas plus de 2 mois à la maison. Saloperie de crapule, qui aimait se sentir supérieur aux autres par n'importe quel moyen. Enfin bon, les préados c'est pas non plus des catastrophes naturelles, ça pique le déjeuner des autres à l'école et ça tire les cheveux des filles. Cependant, ça peut devenir des catastrophes, mais... plus tard. Forcément, la mauvaise éducation ça laisse des marques.
Juste pour préciser, il faut dire que sa famille est si banale qu'elle fout les jetons. Sa mère, ben... c'était une pute. Pas littéralement mais dans les yeux d'Aber évidemment. C'était une pétasse qui allait tout le temps voir ailleurs et qui volait des sous à la famille. Le gamin n'en avait aucune preuve mais il le savait, l'intuition. C'est à cause d'elle qu'ils sont pas partis en France finalement, c'est sûr, y'a pas d'autre explication.
Le père c'était la caricature de l'anglais moyen, qui bossait dans un bureau pourri, passait plus de deux heures au pub après, et qui terminait sa soirée avec une énième bière devant le foot dans son fauteuil chéri. Bref, le mec un peu mou du gland qui n'accorde pas trop d'importance à son fils. Mais Aber, lui, ne rêvait que d'une chose: qu'il se mette enfin à le frapper avec sa ceinture une bonne fois pour toutes, pour qu'il puisse courir se plaindre à la police, et qu'on l'embarque ferme ce salaud. Comme ça il pourrait se vanter à l'école d'être un vétéran à qui on doit le respect. Mais son père il s'en foutait, alors il s'est jamais rien passé.

S'il y a quelque chose qui a réellement changé Aber, c'est la musique. Depuis tout petit, il fouille dans les vieilles collections de vinyles de ses parent, caché dans les vieilles valise de la cave. Les machins ils puent le moisi, mais une fois qu'on entend leur potentiel, c'est une autre vie qui s'active, un autre monde qui se présente, une nouvelle dimension qui s'ouvre. Au début il y allait à tâtons puisqu'il n'y connaissait strictement rien. Puis finalement c'est parmi AC/DC et Scorpions qu'il trouvait sa vraie place. Mais vers 14 ans environs, c'était carrément autre chose. Aber soulevait alors les jupes de Dame Hardcore pour mieux sentir son parfum de violence et de haine.
Aber partageait sa passion musicale avec des timbrés de la même trempe, dont Amanda et Tony, avec qui il était soudé. Au début ça ne ressemblait qu'à un rassemblement d'aspirant emo dans la cour de récré, puis ça a tourné en quelque chose de très différent. En tout cas, leurs découvertes musicale menaient si bien leurs chemins que leurs vies prirent un tournant tout à fait singulier. Là vous me direz, genre, qu'ils auraient peut-être fait un suicide collectif ou se sont fait posséder lors d'une partie de ouija? Rien à voir désolée.
Dominer les autres, c'était quelque chose de grisant pour Aber, vraiment. Et il en eut l'occasion pendant un bout de temps. Le problème, c'est que ce n'était pas tout à fait très légal. On va passer sur les détails comme ses premier braquages ou tous ses allers-retour au poste, mais en gros... le gosse est devenu chef de bande. Et par bande je veux dire gang quoi.
Tout est parti d'une petite querelle de minettes, dans le genre « connard tu parles pas mal de mon pote ou j'te marave ta race » en toute allégresse. Sauf que, il faut combiner ça avec le facteur tête brûlée, et le fait que les protagonistes vivent dans une Angleterre profonde avec la mentalité butée qui va avec (les jeune banlieusards anglais, c'est pas ce qui se fait de mieux en matière de réflexion). D'autres élèves prenaient parti d'une bande ou d'un autre, chacun choisissait son camp. A l'époque, c'était simplement les marginaux d'un côté, de l'autre les casse-couilles sans prétentions. Donc tout à évolué dans une sorte de gué-guerre de rue.
C'est drôle de dire ça d'une bande de bancs-becs écervelés qui ont vécu chouchoutés, pourtant il me semble que c'est le terme approprié pour décrire le quotidien d'Aber à cette époque là. En bons ados à la réputation de toxicos malades, ils installèrent quelques petits trafics en tout genre en plus de leurs activités ultraviolentes. La banlieue calme où tous ces jeunes ont grandit devint alors une jungle sans merci où il valait mieux rester chez soi une fois la nuit tombée. Aber ne se séparait plus de sa batte de base-ball ni de son poing américain, mais encore moins de ses amis, grâce à qui il a enfin pu accéder au rang de suprême glandeur Sir connard premier. En plus de porter constamment à l'index droit un anneau d'or pour rappeler son statut de chef, il était désormais recouvert de tatouages. Ce n'était pas tant que ça sa passion, pas plus que la musique metalcore et le sang versé des autres. Pourtant, ça le caractérisait si bien qu'on le remarquait de loin, peut-être plus facilement aller se cacher chez soi.
Aber, à ce moment là de sa vie, semblait tout avoir: le respect, un entourage solide, de la marchandise et la jeunesse. Ces soirées, cette drogue, cette violence.. un rêve pour certains, une routine lassante pour lui Tout cela commençait sérieusement à lui passer au dessus de la tête, mais il le gardait pour lui. Son rôle majeur au sein du gang et les liens qu'il avait tissé avec les membres l'empêchait de se résoudre à tout lâcher. Il était, malgré lui, dans un monde qui peu à peu le poussait à se remettre en question. Était-il vraiment heureux? Est-ce vraiment l'idée qu'on se fait d'une jeunesse réussie? Faut-il vraiment avoir du sang plein les mains pour se sentir puissant, ou même aimé? A ce point là, il était persuadé de vivre les meilleurs instants de sa vie, même si ce n'était pas vraiment le cas. Il avait délaissé sa famille pour vivre dans des squats moisis avec ses amis, il n'accordait aucune importance aux nanas à part peut-être leur charmant boule, et surtout il avait devant lui un futur instable et dangereux. Pour l'instant il s'en battait royalement le paquet, jusqu'à ce qu'il ait une violente prise de conscience (eh oui, ça arrive). A la suite d'un enchainement de catastrophes mettant gravement la vie de ses amis en péril, il réalisa à quel point il avait foutu la merde un peu partout. No shit Sherlock.

L'opportunité de changer de vie se présenta à lui après quelques années, et il saisit l'occasion après une courte hésitation. Le poids des responsabilités de toutes ses conneries lui pesait beaucoup trop. C'est Tony qui prit avec plaisir la tête du gang alors qu'Aber volait vers une nouvelle étape de sa vie qui s'annonçait pleine d'expiations. Il prit ainsi le premier avion qui l'emmena directement vers la fac où il passa trois ans de sa vie à jouer de la batterie et étudier la musique. Il n'avait pas son bac, mais par chance il fut tout de même accepté dans cette école américaine renommée. Pratiquer la batterie toute la journée était pour lui une chance. Ainsi il eut le temps de se reposer, de prendre plaisir à d'autres loisirs, et de réfléchir calmement à toute cette adolescence qu'il avait, avec du recul, complètement gâché. Sa personnalité bascula complètement dès lors qu'il fit un point sur tout son passé (qui pourtant était si proche). Il avait désormais une tout autre joie de vivre : il était serein. En tout cas il en avait l'air. Car au fond, il ne pouvait pas effacer toutes les horreurs qu'il a commises et qu'il ne pourrait jamais réparer. Mais si il était devenu un autre homme, c'est aussi grâce à un autre facteur.
Lors de sa première année il fut quelques rencontres étonnantes, mais une changea particulièrement le cours de sa vie. C'était une fille (pas très étonnant). Mais cette fois-ci, rien n'était pareil. Tatiana Cuplle était le symbole de la douceur et de la sérénité à quoi il aspirait tant. Les deux individus se sont rapprochés de manière tout à fait naturelle, bien qu'ils soient très différents l'un de l'autre. Lui était encore un peu paumé, ne sachant pas trop vers quoi il allait, se réfugiant le plus possible sur sa batterie. Elle, était un rayon de soleil, souriante et fraîche, elle était véritablement... vivante. Une bouffée d'air frais qui devenait indispensable à Aber. Tous les jours il lui était devenu vital d'entendre le son de sa voix, de caresser ses minuscules mains et de se perdre dans ses yeux papillonnants. Il aimait par dessus tout perdre son visage dans ses cheveux roses et être couvert de frissons juste par l'odeur sucrée de sa peau. Ses tics et son rire lui donnait immédiatement le sourire et donnait une autre dimension à ses journées. Et même s'il était très maladroit et ne savait absolument pas comment réagir face à ses mots, elle restait patiente et lui tenait la main dans n'importe quelle circonstance. Ce mec, qui avait bravé beaucoup de chose jusqu'ici dans sa vie, qui avait bien failli mourir un bon nombre de fois et qui avait vécu des situations plutôt atroces, se retrouvait comme un enfant devant elle. Parce que c'était bien la première fois qu'Aber était amoureux.
Mais tout n'était pas si simple. Le passé de ce garçon avait laissé trop de marques qui risquaient de faire flancher leur idylle à n'importe quel instant. Il était capable de tout pour Tatiana, cependant elle était trop souvent en danger par sa faute. A vrai dire la police connaissait un peu trop son visage de dangereuse racaille, et il arrivait que, malgré l'océan qui le séparait de sa ville natale, on le reconnaisse dans les rues américaines. Mais Aber n'avait pas tant que ça peur pour lui, mais se souciait de sa dulcinée. Et si elle était reconnue comme complice ou autre? Aber était inquiet du sort que Tatiana aurait pu subir par sa faute. Une fois, alors qu'ils étaient sortis ensemble, tout à faillit dégénérer. Heureusement plus de peur que de mal, et tout finit bien. Cependant Tatiana comprit enfin les risques qu'elle courrait à ses côtés. Malgré tout il ressassait chaque soir le même scénario. Il commença à avoir peur, pour la première fois. Mais une fois dans les bras frêles de Tatiana, au fond des draps, les mauvaises pensées fuyaient loin hors de leurs étreintes. Rien le valait plus que ces moments parfaits.
Mais n'oubliez pas que ce petit con est maladroit. A un point! Et ça, la petite Tat', elle n'en pouvait plus. Combien de fois elle s'est mise dans des positions si suggestives et que l'autre perdait tellement ses moyens qu'il ne réagissait pas plus qu'une huitre devant un discours de Sartre? La pauvre se décourageait devant tant de maladresse et lui, savait encore moins de quelle manière réagir. Le souci c'est que les jours puis les mois passèrent, et que l'image de leur couple ternissait, et pour seule cause les conneries de ce mec qui ne savait pas faire les bons choix aux bons moments. C'est bête me direz-vous, de finir une si belle histoire juste parce que l'homme ne sait pas mettre une main sur un sein sans faire un détour à Neverland. Il s'en mordit les doigts longtemps, en voyant à quel point toutes ses bêtises avaient détruite sa chère et tendre. En peu de temps après leur séparation qu'elle avait elle-même organisé, Tatiana n'accordait plus un regard à son ex-petit ami, du moins c'est ce qu'il remarquait. Aber se sentait mal à l'aise. Normal non?

Il continua ses études comme si de rien était pour ne pas causer plus de mal qu'il n'en a déjà fait. Aber évitait de croiser le chemin de celle à qui il donné beaucoup trop de chagrin. Il se concentra (enfin) sur ses études. Il devint un batteur hors pair sans pour autant vouloir faire partie d'un groupe. Beaucoup lui demandèrent de faire partie de groupes de Grindcore, Metalcore ou Deathmetal, sans réponses. Il préférait rester discret et garder son talent pour lui. Après tout, il y a tellement de génies de la musique qui ne se retrouvent sans rien, alors il leur cédait la place.
Jamais il ne regretta pas de changer de voie. Il mit à profit ses cours théoriques pour devenir technicien du son. Immédiatement après son diplôme, il trouva un job pas mal qu'il garda longtemps.

La routine s'installa. Aber allait travailler tous les jours comme un employé de bureau avec sa vie bien rangée. Il trouvait de nouvelles filles avec qui passer du temps, mais aucune ne durait plus d'un mois. Il avait trouvé un bel appartement à New York dans lequel il vivait seul. Désormais on le laissait tranquille, plus trop de contrôles musclés dans la rue, depuis qu'il cachait ses tatouages avec des chemises. Pour résumer: il se faisait chier. Genre royalement. Des fois il pensait à Tat', puis chassait tout de son esprit avec un pincement au coeur. Merde, c'était un adulte maintenant, plus de peines de coeur d'adolescents en dérive.
Et puis il a vu cette annonce pour un festival itinérant. Depuis ça le travaille un peu. Il rêve de mettre un peu de piment dans sa vie. Peut-être que le rythme de sa vie de loubard lui manque, qui sait? Aujourd'hui, Aber ne veut plus être inutile et vivre aseptisé. L'aventure ça vous prend à la gorge, ça vous gifle, ça vous attire, ça vous drague. Pourquoi pas? On dit « jamais deux sans trois » n'est-ce pas?