Tu es jeune, trop jeune pour ça te dit-on. On te fait la morale, on te dit que ça finira mal, mais qu'est-ce qu'ils savent de toi bordel ? De quoi sont-ils au courant au juste ? Tu es obligé, obligé de te marier avec cette femme. Tu détestes les femmes, elles ont un corps ronds, des formes là où il ne devrait pas y en avoir, elles ont cette attitude que tu détestes par dessus tout. Mais cette femme-là, tu es obligé. Tu dois prendre tes responsabilités. Des fois, tu aimerais te frapper, te tuer, ouais c'est ça tu vas aller te défenestrer sur le champ. Pourquoi est-ce que tu as fait ça,  pourquoi est-ce que tu as écouté les autres ? Maintenant, elle se retrouve avec un gosse sur les bras. enfin, pour l'instant il est plutôt entre ses entrailles, mais bientôt il sera dans ses bras, dans tes bras. Frisson de dégoût. Tu ne veux pas de ce gosse, de ce mariage. Tu voudrais t'enterrer, six pieds sous terre, manger les pissenlits par la racine, oh putain mais pourquoi est-ce que tu es si con, sérieux, pourquoi ?

Tu as commencé les instruments tellement jeune que tu ne t'en souviens pas réellement, tu as été élevé à ce rock britannique, à ces mouvements indépendants, à ce punk un peu grave, ces basses trop grasses, tu as été élevé à toutes ces choses qui faisaient danser les gens, qui les faisaient parler. Ta mère se foutait bien de ce qui était à la mode ou pas, elle écoutait des choses très actuelles comme très vieilles, mais toi ça te plaisait. Tu mélanges tout ces styles quand tu joues, tu te débrouilles pour faire passer des messages. Alors il peut arriver qu'après un morceau folk, ta guitare électrique s'excite. C'est comme ça, on ne peut pas te le reprocher. Alors quand tu as entendu dire qu'il y avait un concours, un festival.. Tu n'as pas hésité. Il fallait que tu sortes de cette merde. Elle avait le ventre tellement rond qu'il aurait pu exploser à tout moment. Tu ne veux pas d'un enfant. C'est une fille. Une fille ? Mais qu'est-ce que tu allais faire d'une fille ? Tu ne les supporte pas, tu ne la supportes déjà pas. C'est ignoble à dire, mais cette enfant, tu ne l'aimes pas. Tu ne pourras jamais l'aimer. Tu lui as dit, hein, que tu ne voulais pas de cette gosse. Mais elle l'a gardée, elle a dit qu'il fallait que tu assumes. Bordel de merde, assumer. C'est bien quelque chose que tu ne sais pas faire...

Si, la seule chose que tu as su assumer, c'est ton homosexualité. Comme ça, d'un coup. Je suis gay. Ta mère a dit qu'elle le savait, de toute manière, elle t'avait trop bien élevé pour qu'il n'y ait pas un problème. Tu ne vois pas où est le problème, en quoi ça peut bien la déranger de toute manière ? Ce n'est pas son cul que ça regarde, mais le tien. Tu en fais ce que tu veux. Tu venais à peine de toucher tes dix-huit ans quand tu l'as avoué. A cet âge-là, tu n'étais pas vraiment sage. Non, c'était plutôt les soirées, les soucis, le bordel, les potes..., les copains... Copains ? Non, l'amour c'est pas pour toi bordel. Tu préfères la chaleur de deux corps qui s'entretiennent, tu n'es pas trop sentiment. Tes sentiments, ils passent tous dans l'écriture, dans ta musique. Mais pas par toi. Par ton coeur. Tu n'as pas de sentiments, ou tu essayes de ne plus en avoir. L'amour, ouais, on le connait tous. Tu l'as connu, une fois, de loin. Tu lui courrais après pendant qu'il se foutait de ta gueule. Putain, il était même pas pédé, tu te rends compte ? Tu as couru après tout ce temps pour simplement l'entendre te dire qu'il n'était pas pédé. Je suis pas un putain d'homo moi dégage, t'es sale. bim, dans ta gueule Evy.

D'ailleurs, tu sais pourquoi tu t'appelles Evy ? A ce qu'il parait, ton père était suédois. Mais ton père, tu ne le connais pas. Tu ne connais pas sa tête, tu ne connais pas son nom, son âge, ni même s'il est mort ou vivant. Ta mère ne veut pas t'en parler, elle dit qu'il n'était qu'un con qui t'a abandonné. Merde, un peu comme toi non ? Tu n'es qu'un con qui abandonne ton enfant. Mais ce n'est pas de ta faute non, ce n'est pas toi qui a demandé le divorce. Tu aurais pu, tu en avais envie, mais elle a craqué avant toi. Elle a craqué puisque tu partais. Ouais, putain, tu te barrais enfin de Manchester. Parce que t'avais réussi à faire passer ces émotions dans ta musique beaucoup trop folk, beaucoup trop rock, beaucoup trop de choses, tu as été pris pour cette grande tournée, cette chose inimaginable. Tu allais pouvoir vivre de ta musique, comme un fou, comme un grand, on est fier de toi. Fier de ce que tu deviens, sale con. Mais tu t'en fous de ce que pense les autres, toi tu es heureux.